Chien végétarien ou végan : est-ce possible ?

Chien végan
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Un chien peut-il devenir végétarien ou végan ? Que pensez des nouvelles croquettes véganes désormais disponibles sur le marché ?

Régime végan ou végétarien pour chien : une alimentation qui va à l’encontre de sa nature de carnivore

Véganisme, végétarisme : de quoi parle-t-on ?

Le véganisme est un mode de vie qui implique notamment d’exclure de son alimentation tous les aliments d’origine animale : la viande bien sûr mais aussi le poisson, le miel, les produits laitiers et les œufs. Le mode de consommation végan équivaut en fait à un régime végétalien. Il est en réalité plus restrictif qu’un régime végétarien qui exclut également la viande mais peut intégrer des œufs et des produits laitiers voire parfois du poisson ou de la viande de volaille.

Si ces deux types de régime sont tout à fait possibles (à certaines conditions) pour l’omnivore qu’est l’être humain, ce n’est pas tout le cas pour nos chiens qui sont des carnivores par nature.

Le véganisme, un mode d’alimentation à risque pour le chien

Lorsque l’on exclut tous les produits d’origine animale de son alimentation, on se prive dans le même temps de nombreux nutriments présents dans ces produits comme les protéines d’origine animale, d’une partie du calcium, de certains lipides, la vitamine A ou bien encore la vitamine D. Pour éviter les carences, il faut alors ajouter des compléments alimentaires à son alimentation végane et savoir bien combiner les sources de protéines végétales pour apporter tous les acides aminés essentiels à son organisme.

Un acide aminé essentiel, c’est quoi ?

Les protéines sont des grosses molécules constituées de chaînes de petites autres molécules appelées les acides aminés. Il existe environ 20 acides aminés dont les multiples combinaisons permettent à l’organisme de refabriquer l’ensemble des protéines nécessaires à son bon fonctionnement. Seuls une dizaine de ces acides aminés ne peuvent pas être « produits » par l’organisme – du chien comme de l’être humain - et doivent donc obligatoirement être apportés par l’alimentation. On parle alors d’acides aminés essentiels ou indispensables. Les protéines d’origine animale sont généralement très équilibrées en acides aminés. Cela signifie que tous les acides aminés, essentiels ou non, y sont présents dans des quantités largement suffisantes. En revanche, les protéines d’origine végétales sont carencées en acides aminés essentiels. Il faut alors associer plusieurs sources de protéines végétales, généralement en combinant des céréales et des légumineuses, pour apporter les 10 acides aminés essentiels.

Ce rééquilibrage est possible pour l’être humain mais beaucoup plus compliqué – voire impossible -à mener chez le chien, et cela à plus d’un titre.

Un régime qui risque d’apporter trop de glucides au chien

Chez un chien, lorsque l’on remplace la viande par des sources de protéines végétales comme les céréales et les légumineuses, il faut en apporter quantitativement beaucoup plus que de la viande pour couvrir les besoins protéiques du chien car ces sources sont beaucoup moins riches en protéines que la viande d’autant plus qu’un chien, en tant que carnivore, a besoin de 4 à 6 fois plus de protéines qu’un être humain pour ne pas être carencé.

Ainsi, en remplaçant la viande par des sources de protéines végétales, on va apporter dans le même temps beaucoup de glucides au chien, et notamment de l’amidon, dont les céréales et les légumineuses sont riches contrairement à la viande qui en est dépourvue. L’être humain est omnivore et n’a aucun mal à digérer l’amidon, contrairement au chien qui n’est capable de le digérer que dans des quantités très limitées, faute d’avoir suffisamment d’enzymes digestives pour le faire. Cette capacité de digestion est en plus très variable selon les races de chien. Les chiens nordiques, comme le Husky Sibérien, sont par exemple très intolérants à l’amidon. Lorsque l’amidon est présent en trop grande quantité dans l’alimentation d’un chien qui y est sensible, il en résulte alors un inconfort digestif avec des problèmes de borborygmes, de ballonnements, de flatulences et de diarrhées chroniques.

Un exemple pour bien comprendre

Un steak haché de bœuf de 100g apporte en moyenne 25g de protéines alors que 100g de lentilles cuites n’en apportent que 10g. Pour avoir la même quantité de protéines que dans 100g viande, il faudrait apporter 250g de lentilles au chien (et, on ne parle ici que de quantité mais pas de la qualité de ces protéines).

Avec 100g de steak de bœuf, on apporte au chien moins de 1g de glucide alors qu’avec 250g de lentilles, on lui apporte environ 36g de glucides, soit 36 fois plus qu’avec la viande.

Certains fabricants industriels ont néanmoins trouvé la parade à cet excès de glucides en incorporant uniquement les protéines végétales extraites des graines de céréales ou de légumineuses débarrassées des glucides qui les y accompagnent dans leurs aliments végétariens ou végan. Mais, là aussi, ce n’est pas la solution idéale car les protéines végétales sont de toute façon moins bien digérées par le chien et, quand elles sont apportées dans de trop grandes quantité sous cette forme, elles sont peu appétentes pour le chien qui a toutes les chances de finir par bouder le contenu de sa gamelle.

Les protéines végétales, moins bien assimilées par le chien

Les protéines végétales, en plus d’être carencées en acides aminés essentiels (on dit alors qu’elles ont une valeur biologique moindre), ont un autre inconvénient pour le chien : elles sont moins bien assimilées par son organisme que les protéines d’origine animales.

Pourquoi ? Tout simplement parce que les protéines végétales sont moins disponibles au sein de l’aliment car « enfermées » dans des matrices végétales pour lesquelles il faut produire davantage d’enzymes pour les digérer.  De plus, les légumineuses contiennent des éléments anti-nutritionnels tels que des phytates, qui ont pour effet d’inhiber l’action des enzymes digestives, et notamment de celles qui permettent la digestion des protéines.

Ainsi, même en apportant les quantités de protéines végétales théoriquement nécessaires aux besoins nutritionnels du chien, une grande partie de ces protéines a de grande chance de ne pas être correctement digérées et d’être ainsi directement éliminées dans les excréments de l’animal, au risque de le carencer en protéines.

Les problèmes posés par un régime végan pour chien sur les autres nutriments

L’apport en protéines n’est pas le seul problème que soulève un régime végan ou végétarien pour un chien.

Le chien a également besoin de :

  • calcium dans des quantités 3 fois supérieures à celles de l’être humain et de phosphore, que le chien ne peut pas facilement trouver en quantité suffisante dans une alimentation exclusivement végétale.  Il est alors nécessaire de le complémenter en lui donnant du carbonate de calcium et des céréales à haute dose. Mais, sur ce dernier point, on retombe dans le problème évoqué plus haut dans cet article : l’apport en excès d’amidon (voir § Un régime qui risque d’apporter trop de glucides au chien).
  • de vitamine A et de vitamine D qui ne sont bien utilisés par l’organisme du chien que s’ils sont d’origine animale,
  • de lipides saturés, que l’on retrouve en quantité insuffisante dans les matières premières végétales,
  • de certains acides gras essentiels à longue chaîne de la famille des oméga 3 acides gras comme l’EPA et le DHA, dont la synthèse à partir des acides gras végétaux n’est pas très efficace chez le carnivore.

Alors, peut-on nourrir un chien avec un régime végan ou végétarien ?

Un régime végan ou végétalien, sans aucun ingrédient d’origine animale, est à proscrire pour tous les chiens et cela, à n’importe quel stade physiologique auquel il se trouve. Ce mode d’alimentation va irrémédiablement le conduire à des carences nutritionnelles chez le chien qui, si elles ne voient pas à immédiatement, mettront gravement à mal sa santé à moyen-long terme.

Quant au régime végétarien, nous ne pouvons que vivement vous le déconseiller pour le chien. Il peut néanmoins être envisagé uniquement pour les chiens adultes (qui ont fini leur période de croissance) sans problème de santé et sédentaires et pour lesquels aucune reproduction n’est prévue ET si le régime végétarien intègre les œufs et les produits laitiers. Comme ce régime est très difficile à équilibrer chez le chien, il doit être obligatoirement encadré par un vétérinaire.

Bon à savoir

Pour tous les chiens, un régime qui exclut la viande mais qui intègre le poisson sous forme de croquettes au poisson ou dans une alimentation maison, ne pose pas de problème...à la seule condition que les croquettes soient de bonne qualité et que la ration maison soit bien équilibrée avec l’aide d’un vétérinaire.

Croquettes végan pour chien : notre avis

Certains fabricants d’aliments industriels pour animaux se sont lancés dans la fabrication de croquettes véganes dans l’unique but de conquérir un nouveau marché créé par des personnes véganes qui souhaitent exclure les produits animaux du régime alimentaire de leur chien, dans un souci de cohérence avec leur mode de vie et leurs convictions.

Or, ce type d’aliment ne tient pas compte d’un paramètre pourtant crucial : celui de la nature de l’animal à nourrir. Dans ce type de croquettes, les quantités de nutriments, et notamment de protéines et d’acides aminés essentiels, sont souvent insuffisantes pour couvrir les besoins d’un chien, même adulte et sans besoin nutritionnel particulier, ce qui peut entrainer des carences graves à long terme. Et, comme les sources de protéines végétales sont peut appétentes pour le chien, les industriels sont souvent obligés d'y ajouter des arômes, parfois artificiels, pour inciter le chien à les manger.

Si l’on ne peut que saluer la volonté des personnes véganes de s’élever contre la cruauté et l’exploitation animale, il ne faut pas pour autant oublier que la nature d’un chien est d’être carnivore. Le nourrir exclusivement avec des aliments d’origine végétale comme des croquettes véganes l’expose à de graves carences et dégrade sa santé à long terme, ce qui peut s’apparenter à de la maltraitance animale…un réel paradoxe pour des personnes véganes qui se sentent plus que jamais concernées par le bien-être et le respect des animaux.




Guylaine Vandekerkhove

Ingénieure diplômée de l’École Nationale Supérieure d’Agronomie et des Industries Alimentaires (ENSAIA) et d'un Master en ingénierie de la santé et nutrition, Guylaine VANDEKERKHOVE est la co-fondatrice de toutoupourlechien.com. Elle utilise désormais ses compétences scientifiques pour écrire des articles sur la santé et la nutrition canine et puise ses sources sur des ouvrages vétérinaires de référence. Passionnée par les chiens depuis toujours, elle a également validé une formation pratique d'éducatrice-comportementaliste canin.