Comment gérer un chien qui a un instinct de chasse développé au quotidien ?

L'instinct de chasse du chien
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Nos chiens domestiques sont des prédateurs dont le comportement peut parfois nous poser problème…Comment gérer cet instinct au quotidien ?

L’instinct de chasse, de quoi s’agit-il ?

Pour qualifier l’instinct de chasse, les spécialistes du comportement canin parlent plus volontiers de prédation ou d’instinct prédateur.

La prédation, un patron-moteur

Chez le chien, la prédation est innée dans le sens où elle s’exprime sans qu’un apprentissage n’ait été nécessaire au chien. Elle fait partie des patrons-moteurs du chien, inscrits dans son instinct depuis des générations. Ce qu’on appelle un patron-moteur est, selon la définition de Joël Dehasse*,« une posture, un mouvement, ou une séquence de mouvements instinctive et auto-renforcée. » Toujours selon ce vétérinaire comportementaliste, « Trotter, galoper, poursuivre un objet mobile, pointer, fixer un objet avec une posture basse (comme le border collie), rapporter, chercher un chiot égaré sont des patrons-moteurs. »

La prédation est donc une activité qui procure beaucoup de plaisir au chien. Plus il la pratique, plus cela lui donne envie de s’y adonner encore et encore comme une pulsion interne irrépressible.

D’ailleurs, tout chez le chien nous indique qu’il s’agit d’un animal « taillé pour chasser » : sa musculature, sa dentition et même ses sens. Sa vision est notamment basée sur la détection fine des mouvements. Elle génère une hypervigilance du chien, une dilatation de ses pupilles, et une concentration de toute son attention pour bondir, poursuivre et attraper sa proie.

Comment s’exprime l’instinct prédateur chez le chien ?

Le comportement de prédation composé de plusieurs séquences de comportements (ou patrons-moteurs). Ainsi, une séquence comportementale complète de chasse comprend :

  • l’orientation,
  • la fixation visuelle,
  • la traque,
  • la poursuite,
  • la capture,
  • le rapport de la proie et/ou sa mise à mort suivie de son ingestion immédiate ou de son enfouissement pour une ingestion différée.

Chacun de ces comportements existe indépendamment des autres et chacun d’entre eux est le déclencheur du comportement suivant.

Chez le chien domestique, la sélection génétique humaine a brisé cette séquence de prédation afin de ne garder que les comportements qui se révélaient utiles pour certaines activités humaines. Pour ce faire, l’Homme a sélectionné des chiens qui exprimaient ou n’exprimaient pas certains de ces comportements.

C’est ainsi que nous nous retrouvons de nos jours avec des races de chien, des lignées « spécialisées » dans un ou plusieurs de ces comportements. Par exemple, le rapport de gibier est devenu « la spécialité » des chiens retriever (labrador, golden retriever…) alors que la traque et la poursuite (parfois suivie de la mise à mort de la proie) sont les comportements typiques des Terriers. Les chiens de bergers ont quant à eux été sélectionnés pour leurs capacités à fixer, traquer et poursuivre les animaux de bétail sans toutefois les capturer.

Quand la prédation pose problème au quotidien

Si l’expression de l’instinct prédateur est très appréciée et recherchée chez les chiens qui pratiquent la chasse ou qui travaillent au troupeau, c’est souvent loin d’être le cas chez un chien de famille qui n’a pas l’occasion d’exprimer ses patrons-moteurs instinctifs.

C’est malheureusement souvent le cas quand le propriétaire de l’animal n’a pas tenu compte des caractéristiques comportementales de la race avant d’adopter son compagnon et/ou qu’il n’a pas correctement socialisé** son chien.

Faute d’avoir la possibilité de rassembler un troupeau de moutons, un Border Collie pourra ainsi essayer de contrôler les vélos, les voitures, les enfants de la maison, et se mettre à courir derrière tout ce qui est en mouvement. Se faisant, il ne fait qu’exprimer son instinct sur toutes ces cibles inadéquates…ce qui n’est pas sans risque pour l’animal et pour « sa proie ».

Certains chiens vont exprimer leur instinct de prédation sur les peluches des enfants en les secouant, les éventrant à moins qu’ils ne le fassent sur une proie réelle, en tuant le chat de maison ou les poules du voisin.

L’instinct de prédation peut aussi poser problème chez les chiens qui un fort instinct de poursuite, comme c’est le cas notamment des chiens courants. Il sera alors très difficile d’obtenir d’eux le rappel en un claquement de doigt et rendent les promenades en liberté beaucoup plus hasardeuses.

L’instinct de chasse : comment vivre avec ?

Accepter ce qu’on ne peut pas changer

Que les choses soient clairement dites : ON NE PEUT PAS faire totalement disparaître les comportements de prédation d’un chien car ils sont ancrés en lui. Cependant, il est parfois possible de les atténuer ou de trouver des parades pour les rendre moins gênants au quotidien.

Si votre chien ne revient pas au rappel

Si ce qui vous pose problème au quotidien est le fait que votre chien ne revienne pas en dépit d’un bon apprentissage du rappel de votre part, sachez qu’il existe des solutions pour ne plus perdre votre chien lors d’une promenade en pleine nature. Les chiens qui ont un fort instinct de poursuite peuvent ainsi faire fi de tout ce qu’ils ont appris lorsqu’ils ont une proie dans le collimateur…ce qui les pousse à s’éloigner de leur propriétaire qui les appelle alors en vain pendant plusieurs minutes à plusieurs heures. Les propriétaires de chiens qui en ont déjà fait l’amère expérience sont ensuite tenter de renoncer à jamais aux promenades sans laisse de peur de perdre à nouveau leur chien. Ce faisant, ils le privent également la possibilité de courir et de se dépenser physiquement, ce qui peut être à l’origine de l’apparition de troubles comportementaux chez l’animal. Comment faire alors pour promener continuer à promener un tel chien sans laisse ?

Localisez votre chien avec un collier GPS

Au lieu de renoncer totalement aux promenades en liberté, vous pouvez tout à fait équiper votre chien d’un collier de repérage GPS pour savoir en tout temps où il se trouve, sans plus aucun risque de le perdre. Certains colliers GPS comme ceux proposés par Chasseur.com permettent de suivre le déplacement d'un chien à plus de 10km, de quoi sécuriser vos promenades et suivre les déplacements de votre chien à tout moment.

Réorientez le comportement de votre chien

Lors de vos promenades en plein air, observez votre chien. Puis, lorsque votre chien se raidit et se met à l’affût, détournez immédiatement son attention en lui lançant une balle par exemple. En revanche, réservez les jeux de lancer à ce contexte particulier et proscrivez-les à la maison. Se faisant, vous trouverez la juste mesure entre la satisfaction de son besoin éthologique sans le renforcer outre-mesure. Prenez le soin de lancer la balle dans des buissons, de façon qu’elle ne soit pas immédiatement accessible pour le chien. Le fait de mettre du temps à l’attraper lui permettra de ne pas monter en excitation et de « revenir à lui », le rendant de ce fait beaucoup plus enclin à vous écouter quand vous le rappellerez.

Si votre chien poursuit les vélos, les joggers ou les voitures

Dans les endroits à risque, il est bien évidemment de mise de retenir son chien en laisse, voire de museler votre chien s'il cherche à capturer sa "proie" en mordant les mollets des cyclistes ou des joggers.

Pour ces chiens, il est également préconisé d’éviter de renforcer ce comportement de poursuite en leur proposant des jeux de lancer à la maison ou, du moins, de les utiliser à bon escient en n’autorisant le chien à aller la chercher sur votre indication. Il est également recommandé de laisser le chien s’adonner à son instinct, de manière contrôlée et structurée par le propriétaire, au travers d’activités comme le treibball (par exemple) et d’apprendre au chien à se détourner de ce qui l’intéresse grâce à l’apprentissage de l’indication « tu laisses ». Notre article intitulé « mon chien court après les joggeurs et les vélos » vous explique comment faire.

Si votre chien fait preuve d’agressivité de prédation

On parle d’agressivité de prédation lorsqu’un chien tue la proie qu’il a poursuivie. Il peut s’agir de petites proies comme un chat, une poule ou un rongeur ou d’une proie plus grande comme un mouton ou du gibier. S’il n’est pas possible de faire disparaître ce comportement de prédation, il est possible d’en diminuer les risques en travaillant de concert avec un comportementaliste canin compétent. Il sera notamment nécessaire de travailler sur le renforcement des auto-contrôles du chien.

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* Source : Tout sur la Psychologie du chien, Éditions Odile Jacob, 2009 par le Dr Joël Dehasse

** Les comportements de prédation sont partiellement inhibés par la socialisation du chien. Ainsi, un chien ne chassera pas les espèces auxquelles il a été habitué tout petit qu’il considèrera ensuite comme « amies ». Il est donc primordial d’habituer le chien à côtoyer le plus possible d’espèces animales pendant sa période de socialisation et de le confronter à divers lieux, personnes et environnements afin de limiter le développement de comportements qui peuvent être gênants dans sa vie future.

Guylaine Vandekerkhove

Ingénieure diplômée de l’École Nationale Supérieure d’Agronomie et des Industries Alimentaires (ENSAIA) et d'un Master en ingénierie de la santé et nutrition, Guylaine VANDEKERKHOVE est la co-fondatrice de toutoupourlechien.com. Elle utilise désormais ses compétences scientifiques pour écrire des articles sur la santé et la nutrition canine et puise ses sources sur des ouvrages vétérinaires de référence. Passionnée par les chiens depuis toujours, elle a également validé une formation pratique d'éducatrice-comportementaliste canin.